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avec l'Algérie

Du 6 octobre au 30 décembre 2023, Regards Croisés accueille l’Algérie autour de cinq photographes français qui exposeront en regard de cinq photographes algériens.

Leurs travaux ont été sélectionnés en vis-à-vis, en regard croisé : dialogue, résonance, correspondance sensible de fond ou de forme, dans le rapprochement ou l’opposition de thème ou d’esthétique.

 

L’exposition se tiendra à Aix en Provence à la Galerie de La Manufacture
10 rue des Allumettes

13100 Aix en Provence

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Les Photographes

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Djamila Beldjoudi-Calin / Vanessa Kuzay 

Ahmed Merzagui / Anaïs Ondet

Sihem Salhi / Anne Locquen

Youcef Senous / Frédéric Martin

Lynn S.K. / Guillaume Nédellec

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Djamila Beldjoudi-Calin  - Elle était une fois, Tamachaôts

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Je tente, à travers ce voyage, de recréer une histoire commune et de continuer à tisser ce lien de transmission entre les mères et les filles.
Comme pour combler un manque, je capte tout ce que je peux à chaque étape de l’exploration : les retrouvailles, les ambiances sonores, les voix lors de témoignages, les paysages, les rencontres improbables, les objets oubliés retrouvés… réunis dans un film, afin de continuer cette forme de tradition orale. Nous n’avons pas d’album de famille.
Le point de départ est un « conte à rebours » : du présent, par le questionnement d’Amélia génération Z, qui remonte dans le temps vers le passé, suivi de l’incapacité de ma propre génération des beurs à lui répondre, jusqu’à ma mère « génération guerre d’Algérie» où la parole a du mal à se délier, se poursuivant par la recherche éperdue de traces laissées par ma grand-mère maternelle que je n’ai pas connue « génération colonisation » un passé qui n’est pas passé.
Reste ce futur qui devient présent aujourd’hui. Le cadre est le village, les lieux de vies de ma mère et de passages d’Amélia et moi en Algérie. Ma voix, mélangée à celle de ma fille Amélia, de ma Yema Mébarka à celle des femmes du village retrouvé. Comme une épopée qui a bien existé et qui permettra l’éclosion des histoires d’aujourd’hui : celles des exilées qui ne le sont plus, celles des femmes qui osent enfin vivre pleinement avec les deux cultures.

Vanessa Kuzay - Après les cigognes

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D’elle, je ne savais rien ou presque. Pas d’album de famille, seulement quelques photos éparses, un visage grave au regard triste, aux traits tirés par les naissances qui s’enchaînent. Un prénom évocateur de contrées lointaines et froides.
Mère à mon tour, j’ai eu besoin de partir à sa recherche, de comprendre ce qui pouvait nous relier à travers le temps et les lieux.
Plusieurs fois, je suis partie dans cette Pologne tant de fois imaginée, aussi bien rude et violente comme dans les livres d’Histoire, que bucolique, les fleurs recouvrant les maisons de bois, les napperons de dentelle chaque bout de meuble, et partout les nids de cigogne attendant leurs hôtes exilés, dans un cycle éternel fait de départs et de retours.
Sur les traces d’un fantôme, j’ai senti soudainement la chaleur d’une main dans la mienne. J’ai vu cet enfant jouer et percer de son rire les forêts obscures, j’ai entendu ses pas dans des maisons de famille qui n’étaient pas les nôtres. J’ai observé ce visage parfois mélancolique aux yeux clairs comme les miens, ceux de mon père, et sans doute comme ceux qui nous ont précédés.
Face à cette mémoire familiale effacée et dont les ultimes bribes disparaissaient dans un brouillard épais semblable à celui d’un hiver polonais, une autre histoire se révélait. Un album de famille s’ouvrait.

Ahmed Merzagui - Melancholy for life - Ode to Home

 

Un krach économique sans pareil, de l’individualisme, une limitation inouïe des libertés, du statisme et du sédentarisme. Et moi, moi bloqué dans ma ville, Tlemcen. L’ère COVID. À oublier. On s’en rappellera toute notre vie.
J’ai une relation complexe avec ma ville, un sentiment mitigé, de confort et de stagnation, d’aisance et de sessilité. J’aime ma ville quand elle me manque et je la méprise quand j’y reste longtemps. C’est mon « chez-moi ».
« Home » est un espace physique et social en expansion. Une dimension alternative mais existante où prennent forme des sentiments d’identification et de comportement authentique sans préavis et sans considération. « Home » c’est être moi-même, pleinement et inconditionnellement « avec/dans». C’est une personne ; mon amour, mes amis, ma famille... Des êtres humains avec qui j’existe pleinement. C’est un endroit ; des détails, des murs, des espaces... Des lieux que j’aime, je m’approprie et habite. Comme tout concept, mon immuable chez-moi, évolue avec moi.
Durant l’ère COVID une atmosphère globale, malaisante, inconfortable, solitaire et pourtant duelle, manichéenne, pleine de douceur de bienveillance et d’entraide exista au sein de mon univers. Une multitude de bulles, de ma propre existence, uniques, à part, se heurtant le temps d’une photo.

«Home » est une scène de vie, en quête de visibilité, toujours vue mais souvent invisible.

Anaïs Ondet  - Sans Soleil - Errance dans la torpeur

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Conscience de l’avenir sombre qui se rapproche. Ce n’est pas une résignation mais plutôt une question : Comment appréhender ce futur incertain ?
Pour l’instant, l’attente dans une forme de latence, d’une bascule peut-être. Ce moment où l’on ne pourra plus ignorer l’urgence de l’action.
En attendant, c’est une errance. Dans une forme de brouillard, de torpeur épaisse et à la fois sans consistance. Comme une nuit qui n’en finit plus.


Sans soleil est un travail qui tend à exprimer un sentiment, un malaise profond face à l’effondrement écologique auquel nous assistons. J’essaie, à travers un corpus de photographies sombres et nébuleuses, de rendre compte du concept de solastalgie : néologisme, inventé par le philosophe Glenn Albrecht, exprimant une détresse psychique causée par les changements environnementaux. En partant d’une dimension intime je traite d’un fait de société qui touche les jeunes générations et affecte leur santé mentale.

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Sihem Salhi  - L'âme en feu
 

« L’âme en feu », c’est ma volonté de vivre et de dépasser mes incapacités physiques, c’est un défi quotidien à une maladie qui me ronge mais aussi à un entourage qui fait de même.

Mon esprit et ma conscience ainsi que tout mon être spirituel ont la capacité de réaliser ce que mon corps refuse de faire.
À chaque fois que mes muscles s’atrophient, ma conscience s’éveille de plus en plus et je vois plus clair.
À force de recevoir les coups mon corps ne ressent plus de douleurs, je n’attends pas que quelqu’un me tende la main, j’assume. Je tombe très souvent et je me relève toute seule.
La souffrance me courbe, mais je me redresse, à la façon d’une prière intérieure, de moi spirituelle à moi matérielle, jusqu’à fusionner en être de lumière et abandonner ce corps qui m’emprisonne.

J’ai voulu, avec mon objectif photographique qui prolonge mes mains, capturer, puis partager cette douleur qui me courbe et cette lumière qui me sauve. Photographier est mon art-thérapie, et partager allège mon fardeau.

La série propose 25 images comme une séquence ciné-matographique : images fixes et pourtant en mouvement, scène intime d’une prière spirituelle.

Anne Locquen  - Ne pas disparaître

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Travaillant sur plusieurs séries en parallèle, mon travail s’articule autour de l’intime. Je photographie mes proches, moi-même, invitant le spectateur à la réflexion et l’introspection. Mon souhait est qu’il tisse des liens avec sa propre existence.Je pratique l’autoportrait, un travail sur l’identité. Notre monde intérieur des émotions, des sentiments, des sensations, de la pensée est si vaste qu’il reste en partie invisible à l’autre. Son expression, sa représentation permet de nouer les liens vers autrui et rend possible la découverte et la connaissance de soi.Fascinée par les miroirs qui possèdent des pouvoirs qui vont au-delà des simples propriétés de réflexion, certains de ces autoportraits sont « réfléchis » et montrent à voir un corps effacé, déstructuré, déconstruit, une autre image de soi. Ces mises en abîme sont une quête de l’invisible dans ce que nous sommes.

« Ne pas disparaître », série composée d’images avec miroir et d’autoportraits seuls ou accompagnés, questionne notre place parmi et avec les autres. Nous sommes des égarés et traversons le monde tels des fantômes parmi le flux. Se connaître c’est ne pas cesser ; c’est se construire et construire avec l’autre, trouver sa place, son utilité, sa nécessité.

Youcef Senous Trabendo
 

Je vois le monde comme une scène en constant changement, une scène que nous devons, nous humains, pour des besoins existentiels, de reconnaissance, de mémoire, entre autres... documenter, relater, raconter à l’autre, à notre semblable, donnant ainsi notre, probablement subjective et spécifique, mais intéressante et unique, vision de la vérité, facette parmi les facettes, infinies étincelantes et miroitantes de la Vérité.


Mon sujet tend à être ces passages fragmentaires qui résident dans le banal et les espaces intermédiaires de nos vies que nous voyons mais souvent ne remarquons pas. Pour moi, la photographie représente le plaisir de voir, d’être conscient du monde qui m’entoure et de chercher à trouver une alchimie entre moi et l’objet photographié. Je considère chaque cliché comme faisant partie d’une œuvre unique et continue.


A travers ce projet photographique je cherche à connaître, analyser et comprendre le sujet que je traite. Je tends à le maîtriser, souvent même à le vivre, par souci de légitimité certes, mais je ne travaille jamais, ou presque, en tant qu’observateur extérieur. Peut-être par pragmatisme, ou par nature, je me fie à tout sujet que je documente dans mes projets à moi et à ma vie... Je ne suis pas témoin de l’histoire que je raconte à travers des images fiévreuses, cette histoire est la mienne. Je documente ma vie.

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Frédéric Martin - Sérotonine

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La sérotonine est présentée comme une des hormones du bonheur, du bien-être, notamment par son action stabilisatrice de l’humeur. J’ai longtemps pensé en manquer, dans des quantités importantes. Il me paraissait que je devais mener une existence où j’avais l’impression permanente de ne jamais être vraiment là (comme si je vivais à quelques centimètres de moi-même), avec l’idée que je n’étais pas apte à la joie et condamné à la mélancolie. Dès lors, le monde se reflétait presque tout le temps dans mes yeux en tons de gris. Face à cette situation, j’ai décidé de photographier cet état, cette vision de la vie, notamment pour le comprendre, mais aussi pour lui donner une forme tangible. Prenant pour cadre mon quotidien, mes proches, notamment mes deux filles, je suis parti en quête de ma noirceur, de mon mal de vivre. Sérotonine est le résultat de la compréhension et l’acceptation de cet état, mais aussi son dépassement.

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Lynn S.K. - Rue Belouizdad, Alger 2014/2019
 

Je suis née en Algérie. J’y ai vécu jusqu’à mes 7 ans, puis, guerre civile oblige, nous nous sommes réfugiés en France.
Longtemps, des souvenirs me sont revenus par éclats. Boumerdès surtout, la ville de mon enfance.
Et le quartier du Champ de Manœuvre à Alger. Mais il fallut un certain cheminement mental pour envisager un cheminement géographique : petit à petit, Algérie et quête de soi sont devenues
indissociables.


Lors de mon retour à Alger, en 2014, j’habite rue Belouizdad, dans un quartier populaire. Je retrouve mes tantes, H. et N. Depuis la mort récente de leur sœur, elles ont rejoint son appartement pour ne plus le quitter. Il y a aussi B. qui était la garde-malade de ma tante décédée et qui est restée.
Cette série de photographies s’est construite dans ce petit appartement où nous avons vécu à quatre - quatre femmes.


Et au milieu de tout ça, il y a moi qui me réconcilie avec mes souvenirs dans un monde qui m’est à la fois familier et étranger. Je fabrique des images en dépit du temps perdu, qui traversent mes images mentales.

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Guillaume Nedellec - Algérama

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Algérama est un carnet de notes visuelles et personnelles publié sous la forme d’un journal.


Il est le fruit brut de ma découverte tant attendue de la ville d’Alger, en octobre 2022, sur les traces du narrateur de mon Étranger, enivré de poésie camusienne où pour la première fois, les frontières entre lui et moi se brouillent.


Mon Étranger, dont est issu Algérama, est le projet artistique sur lequel je travaille depuis 2020. Il mêle photographie et écrits.


J’ai voulu réaliser ce travail pour parler de celles et ceux qui, aux yeux des autres, sont coupables de leur(s) différence(s). Ces expériences laissent irrémédiablement des stigmates intérieurs. En donnant à voir ces différences, peut-être pourrons-nous ainsi commencer par les regarder, les accepter, pour ne plus se sentir l’étranger de quiconque. Peut-être même est-ce une voie pour s’incarner pleinement.

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